Depuis quelques années déjà, la France et l'Allemagne adoptent des positions divergentes concernant l'énergie nucléaire. Lors du Conseil des ministres européens de l'Énergie qui s’est tenu le 19 juin au Luxembourg, les deux pays ont encore une fois montré leur désaccord sur cette question. La France mise en effet sur le nucléaire comme source d'électricité principale pour atteindre la neutralité carbone. De son côté, l’Allemagne a choisi de sortir progressivement de cette forme d'énergie après la catastrophe de Fukushima en 2011.

 

L’utilisation du nucléaire en France et en Allemagne

 

La France est l'un des pays les plus dépendants de l'énergie nucléaire au monde, avec une part de 62,7 % dans son mix énergétique en 2022. Le pays a développé un parc nucléaire important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et garantir son indépendance énergétique. Le nucléaire est considéré par la France comme l'approche idéale pour atteindre la neutralité carbone espérée par l'Union européenne d'ici à 2050. Cette position suscite des débats et des critiques concernant la sécurité nucléaire ainsi que la gestion des déchets radioactifs.

 

L'Allemagne, quant à elle, a adopté une politique de sortie progressive de l'énergie nucléaire après la catastrophe de Fukushima, survenue au Japon, en 2011. Cette décision a été fortement influencée par les préoccupations au sujet de la sûreté nucléaire, des risques associés à cette technologie et de la gestion des déchets radioactifs. Le gouvernement allemand a réagi rapidement après l'accident de Fukushima en décidant de fermer immédiatement huit de ses réacteurs nucléaires les plus anciens. Il a également fixé une date butoir pour la fermeture de tous les réacteurs restants. L'objectif initial était de mettre fin à l'utilisation de l'énergie nucléaire en 2022. Finalement, c’est le 15 avril 2023 que l'Allemagne a mis hors service ses trois derniers réacteurs nucléaires.

 

Les désaccords entre la France et l'Allemagne à propos du nucléaire

 

Les divergences entre la France et l'Allemagne concernant la politique nucléaire remontent aux années 1960. La France a choisi de développer une industrie nucléaire nationale, tandis que l'Allemagne a privilégié d'autres sources d'énergie, comme le charbon et le gaz naturel. Ces différences d'approche ont créé des tensions entre les deux pays et ont aujourd’hui des implications politiques, économiques et environnementales.

 

L'Allemagne s'est engagée dans la transition vers les énergies renouvelables, devenant leader mondial dans ce domaine. Après la catastrophe de Fukushima en 2011, l'Allemagne a renforcé sa politique de sortie du nucléaire et a donné la priorité aux énergies renouvelables telles que l'éolien et le solaire. En revanche, la France a renforcé la sécurité de ses installations nucléaires existantes et souligné l'importance des leçons à tirer des accidents nucléaires tout en maintenant sa confiance dans l'énergie nucléaire.

 

Le nucléaire, point de discorde dans la réforme du marché européen de l'électricité

 

La question du nucléaire divise les pays européens. Elle est devenue un point de discorde majeur dans la réforme du marché de l'électricité. Deux camps s'affrontent : les antinucléaires, avec l'Allemagne à leur tête, et les partisans de l'énergie atomique, menés par la France.

 

La Commission européenne propose une réforme visant à stabiliser les prix de l'électricité et à fournir un cadre clair aux investisseurs dans les énergies décarbonées. Cependant, aucun accord n'a encore été atteint en raison des divergences entre les pays membres de l'Union européenne. Les pourparlers ont pour objectif d'arriver à une décarbonisation de l'économie et à un renforcement de l'indépendance énergétique, tout en évitant une flambée des prix de l'énergie.

 

La France, en tant que défenseur de l'énergie nucléaire, insiste sur l'importance de maintenir une part significative d'énergie nucléaire dans le mix énergétique européen. Elle souligne les avantages de l'énergie nucléaire en termes de sécurité énergétique, de réduction des émissions de carbone et d'indépendance énergétique. L’Allemagne met l'accent sur la transition vers les énergies renouvelables et cherche à faire sortir progressivement l’Europe du nucléaire.

 

Les enjeux politiques et économiques autour du nucléaire

 

Les débats autour du nucléaire dans la réforme du marché européen de l'électricité soulèvent des enjeux politiques et économiques. L'Allemagne cherche à promouvoir les énergies renouvelables et à diversifier son mix énergétique pour réduire sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles. Cela nécessite des investissements massifs dans les énergies renouvelables et présente des défis liés à la gestion de la demande d'électricité.

 

Pour la France, le maintien d'une part significative d'énergie nucléaire dans le mix énergétique européen est crucial. L'énergie nucléaire est considérée comme une source fiable et bas-carbone, contribuant à la sécurité énergétique et à la réduction des émissions de carbone. L'industrie nucléaire française joue également un rôle économique clé en créant des emplois et en favorisant les exportations.


 

Les désaccords lors de la réunion du 19 juin

 

Les ministres de l'Énergie des 27 États membres de l'UE se sont réunis le 19 juin pour discuter de la réforme du marché européen de l'électricité. L'objectif principal de la réforme est de réduire les prix de l'électricité et d'éviter une répétition de la crise énergétique de l'hiver précédent. La Commission européenne a proposé la mise en place de “contrats pour différence” (CFD) sur les actifs de production d'électricité décarbonée, ce qui nécessiterait un financement public.

 

Les ministres ont échoué à trouver un accord sur la question du financement des actifs nucléaires existants. La réunion des pays favorables aux énergies renouvelables à laquelle la France n'a pas été invitée témoigne de ces divisions. Deux groupes d'États membres se sont affrontés : ceux en faveur du nucléaire et ceux en faveur des énergies renouvelables.

 

Les discussions ont également porté sur le principe de proportionnalité des CFD, c'est-à-dire la part de la production d'un actif couverte par un contrat pour différence. Certains États membres estiment qu'une partie seulement des recettes des CFD devrait être réinvestie dans les actifs existants. D’autres pays préfèrent concentrer les revenus vers les industries les plus consommatrices d'énergie.

 

Finalement, aucune position commune n'a été trouvée lors de la réunion. Les négociations sont reportées à une prochaine réunion des États membres. Le sort du nucléaire dans la réforme du marché de l'électricité reste ainsi incertain. Les négociations continuent d'opposer les pays européens aux visions divergentes quant à l'avenir énergétique du continent. La résolution de ce conflit est essentielle pour garantir une transition énergétique réussie et durable en Europe.